Voilà ! l’heure du départ est arrivée, ou plutôt le temps de l’envoi. Vous trouverez ci-dessous le service à l’Eglise française du St. Esprit à New York au cours duquel j’ai été envoyé en mission. St. Esprit est ma paroisse d’origine, celle qui me sponsorise dans mon processus de discernement et me soutient toujours par ses prières et ses contributions. La saison de Noël est une belle saison pour quitter un lieu connu comme New York et commencer le voyage vers le lieu où Dieu et l’Eglise m’appellent à servir. C’est un peu le voyage du Christ qui a quitté les cieux pour visiter la terre, le voyage de celui qui est le véritable pont, l’humble réconciliation.
Un de mes derniers soirs à New York, je suis allé me promener au bord de l’East River. C’est une promenade que j’apprécie beaucoup. L’East River n’étant pas une rivière mais un bras de mer, c’est le plus petit espace que je connaisse entre deux rives de l’Océan Atlantique, et à deux pas de St. Esprit ! Depuis que je connais St. Esprit et son quartier j’ai toujours trouvé cette promenade réconfortante. C’est le Rev. Nigel Massey, notre recteur qui me l’a faite découvrir un soir, après une longue journée de travail. Je peux passer de longues minutes à regarder ce bras de mer. Quand on est sur cette rive de l’East river, l’autre côté de l’Atlantique semble si proche et en même temps si difficile à atteindre. C’est du moins ce que suggère l’imposant pont de la 59th Street : s’il faut un pont aussi massif c’est bien que la traversée est difficile ! Cette promenade et cette vue incarnent bien ce qui m’agite, les tensions qui me traversent en tant que Français et Breton ayant vécu aux Etats-Unis et sur le point de retourner servir en Europe. Les tensions de ceux qui sont dans ce monde sans en être. La traversée n’a jamais été facile, pour personne. Cette expérience de la traversée je sais qu’elle ne m’appartient pas. Beaucoup de nos paroissiens à St. Esprit, et beaucoup de New Yorkais, qui ont laissé une partie d’eux, leur famille ou des souvenirs de l’autre côté d’un Océan, en Afrique ou en Asie, la partagent avec moi. C’est aussi ce gap qui est si présent et pourtant continuellement oublié aux Etats-Unis : le fait que beaucoup de ceux qui vivent à New York ont franchi, bon gré, mal gré, un océan pour en arriver là. Alors je contemple ce que je vois et je me dis que ce qui est impossible aux hommes n’est pas impossible à Dieu, et l’un des signes les plus puissants qu’il a donné à son peuple c’est justement celui d’avoir fait passer ses enfants d’une rive à l’autre rive, sans se noyer ni même être mouillés.
Quand je traverse l’Atlantique, ce n’est jamais de manière anodine. Il y a toujours quelque chose qui me traverse et cette fois plus que jamais, car je porte avec moi la voix et la mémoire de celles et ceux qui m’ont envoyé. Je ne sais pas encore comment sera l’autre rive car j’aborderai à un autre endroit qu’habituellement. Au cours de cette petite halte sur une des rives de l’East River, dans le vent, m’est revenu une chanson qui m’a beaucoup réconforté :
Like a bridge over troubled water / Comme un pont sur une eau troublée
I will lay me down / Je m’étendrai
Like a bridge over troubled water / Comme un pont sur une eau troublée
I will lay me down / Je m’étendrai
Sail on, silver girl / Bon vent, fille d’argent
Sail on by / Continue à voguer au large
Your time has come to shine / Il est temps pour toi de briller
All your dreams are on their way / Tous tes rêves s’approchent
See how they shine / Regarde comme ils brillent
Oh if you need a friend / Oh si tu as besoin d’un ami
I’m sailing right behind / Je voguerais juste derrière
Like a bridge over troubled water / Comme un pont sur une eau troublée
I will ease your mind / J’apaiserai ton esprit
Like a bridge over troubled water / Comme un pont sur une eau troublée
I will ease your mind / J’apaiserai ton esprit
Simon & Garfunkel, Bridge Over Troubled Water