Mercredi des cendres

Le Père Austin m’a proposé de prêcher pour le Mercredi des cendres. Vous trouverez-ci dessous une traduction en français.

File:Wood ash.jpg - Wikimedia Commons

Peut-être êtes-vous un peu anxieux en ce début de Carême. On pense souvent au Carême comme au temps liturgique pendant lequel on est censé examiner de plus près nos péchés pour essayer de comprendre leurs origines et même leurs trajectoires catastrophiques si on ne fait pas amende honorable. Au début du Carême, vous pensez peut-être à vos addictions, aux mêmes erreurs que vous continuez de commettre ou à vos erreurs passées. Pourquoi suis-je si infidèle, inattentif, têtu ? Vous pensez peut-être aussi aux péchés dans lesquels nous sommes tous impliqués et qui se dressent devant nos yeux : l’effondrement écologique actuel, l’infidélité de l’Église, la détérioration des injustices sociales, les dangers de la guerre et de la division. Nous préférons fuir ou nous distraire que d’ajouter le désespoir au désespoir en y réfléchissant.

Le temps du Carême est certainement un temps difficile. Mais pas pour les raisons que je viens d’évoquer. Les attitudes que je viens d’évoquer ont peu à voir avec l’esprit du Carême. Pourquoi ? Parce que lorsque je parlais du péché, j’en parlais d’un point de vue humain ; et le péché vu seulement à travers des yeux humains n’est pas notre affaire ! Dans tout ce que j’ai dit, et dans toutes ces choses dans lesquelles vous vous êtes peut-être reconnus, et moi aussi, nous avons négligé la présence et l’action de Dieu. Notre esprit est tout à fait capable de prendre conscience de nos péchés, mais cette introspection nous est inutile — et même dangereuse ! — si nous ne regardons pas ces péchés, et nous-mêmes en tant que pécheurs, avec le regard aimant de Jésus. Nous sommes très bons pour lutter contre nos péchés, mais très mauvais pour les voir à travers les yeux de Dieu. Si cela est vrai, c’est parce que l’amour de Dieu dépasse toute intelligence humaine, comme vient de nous le dire le Psalmiste :

Mais autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre,

Autant sa bonté est grande pour ceux qui le craignent;

Autant l’orient est éloigné de l’occident,

Autant il éloigne de nous nos transgressions.

Il est impossible à notre entendement humain de comprendre la miséricorde que Dieu nous offre, tout comme il est très difficile de voir que notre Maître en ce temps de Carême n’est pas étranger à nos péchés, nos fautes et nos compromissions. Nous sommes tellement convaincus que la perfection de Dieu nous rejette qu’il nous est difficile de les regarder avec les yeux de celui qui les connu dans sa propre chair.  Entrer en relation avec Jésus-Christ est cependant notre seul espoir et notre seul chemin à travers cette saison de Carême. Car « le Père a fait que celui qui n’a pas connu le péché soit fait péché pour nous, afin que nous devenions justice de Dieu en lui » . Jésus-Christ est allé plus bas dans notre désespoir et nos péchés que nous ne pourrons jamais aller. Il a combattu de pires batailles et les a remportées. Rappelez-vous ceci quand vous vous sentez abattus, quand vous réfléchissez à vos péchés ou aux péchés de notre humanité : Christ a toujours été plus bas. Alors que nous entrons dans ce temps de Carême, nous sommes appelés à la foi : nous sommes appelés à faire l’expérience qu’il n’y a aucune souffrance, aucune douleur, aucun doute, qu’il n’ait pas assisté et guéri par ses caresses.

De fait, le principal danger du Carême, et peut-être de toute vie chrétienne, n’est pas péché. Cela fait partie de notre nature humaine. Le reconnaître signifie que nous reconnaissons que nous sommes des fils et des filles de Dieu qui ont besoin de grandir dans la pleine stature de Christ. Le principal danger de toute vie chrétienne est de s’appropier nos péchés ; c’est croire qu’ils nous appartiennent en propre et ne dépendent que de nous. S’approprier nos péchés est tout aussi fautif que s’approprier nos bonnes actions. Ce sont les deux faces d’une même pièce. Jésus dans l’Evangile d’aujourd’hui a un avertissement très fort contre ce que nous appelons l’hypocrisie. L’hypocrisie arrive lorsque quelque chose est fait pour le bénéfice social ou narcissique qu’on en tire, plutôt que par pure obéissance au commandement de Dieu. Nous donnons l’impression que nous donnons, mais en réalité nous donnons peu pour gagner plus pour nous-mêmes. Lorsque nous faisons cela, nous cachons le fait que nous espérons gagner quelque chose. Pendant le Carême, nous devons être conscients que cela se produit également avec nos fautes ou nos péchés. Ce ne sont pas seulement les bonnes actions qui alimentent notre désir d’acquérir du prestige, du pouvoir et une supériorité morale. Par ces attitudes, nous essayons de nous sauver nous-mêmes, d’établir notre propre nom et réputation, parfois même notre propre église, en laissant Dieu hors-champ.

Ce qui est si triste dans notre fascination et notre attachement aux péchés, c’est que si vous ne laissez pas le Christ les prendre, ils pourriront près de vous et rendra tout le monde malade à l’entour. Les péchés non pardonnés rendent nos sociétés malades ; ils nous font soupçonner le péché là où il n’y a pas de péché. Les péchés non remis détruisent la vraie joie et la vraie liberté. Ils contaminent d’autres domaines de notre vie avec leur sournoiserie. Nous finissons par nous mesurer nous-mêmes et les autres de la mesure des choses, des puissances et des créatures de ce monde, au lieu de nous mesurer par rapport à l’amour infini et dynamique de Dieu.

Si nous faisons de nos péchés ou de nos bonnes actions notre trésor, si nous les collectons, les classons ou les publions, nous mettrons notre cœur dans nos actions, qu’elles soient « bonnes ou mauvaises ». Nous faisons notre trésor ce que nous faisons, et nos cœurs ne battront plus pour le Créateur de tous et le Rédempteur de tous. La réalité est que rien de ce que nous avons et rien de ce que nous faisons ne nous appartient, et il en va de même pour nos péchés. Ils appartiennent à Jésus-Christ, et si nous ne le laissons pas les prendre, nous nous opposons en fait à l’amour de Dieu. « Dieu », comme le souligne Maurice Zundel , un prêtre suisse, « ne peut pas régner en nous sans nous, car Dieu est amour et l’amour ne peut être reçu que par l’amour ».

Comment donner quelque chose à quelqu’un ? En venant à lui ! On lui parle, on se présente, et petit à petit on voit une intimité naître et on donne ce qu’on a envie de donner. Et si vous avez beaucoup à donner, restez simplement plus longtemps ! C’est pareil avec les péchés que nous voulons donner à Jésus-Christ, nous pouvons nous approcher de lui et les lui présenter, simplement, avec humilité. Et quand nous sentirons ses yeux nous regarder, nous nous rendrons compte qu’il ne veut pas tant nos péchés qu’il nous veut nous-mêmes. Il veut se donner entièrement à nous. De ce côté de la Croix, nos péchés ne sont qu’un prétexte, une occasion de l’approcher, d’être marqués de son signe et reçus dans son corps. Donnez-lui vos péchés dans la prière et dans le silence, dans tout ce que vous faites ou manquez de faire : il les mettra de côté et vous regardera car il vous aime plus que tout ce que vous pourrez lui offrir. Il se donnera à vous. Et entre vos mains; ces mêmes mains qui s’accrochaient à vos péchés, il viendra se loger pour que vous grandissiez à sa ressemblance.

3 réponses sur “Mercredi des cendres”

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