A la fin octobre avait aussi lieu la Convention de la Convocation des Églises épiscopales en Europe qui se tenait cette année à Clermont-Ferrand dans le centre de la France. Clermont-Ferrand est une ville assez difficile d’accès car elle se trouve dans les montagnes et l’aéroport est mal desservi. Il faut prendre un vol vers Paris ou Lyon puis prendre le train. Cette situation un peu ennuyeuse m’a cependant permis de faire un détour pour rencontrer les églises épiscopales en Belgique : All Saints’ à Waterloo et la mission francophone de St. Esprit à Mons.
J’ai beaucoup apprécié rencontrer les membres anglophones de la communauté de All Saints’ dont beaucoup sont des américains ou des anglais qui sont venus en Belgique pour travailler dans les industries locales et qui y sont restés. Certains Belges se sont aussi mêlés à la congrégation. Après avoir visité le champ de bataille de Waterloo, Rev. Sunny et moi sommes allés en voiture jusqu’à Mons où se retrouve une fois par mois la communauté francophone du St. Esprit. St. Esprit est officiellement une mission depuis 2019 et se rassemble depuis dans différentes chapelles mises à disposition ou louées à l’évêché catholique. Balthasar en est un des principaux leaders laïcs. C’est une communauté composée principalement de réfugiés venus du Burundi et d’autres pays d’Afrique équatoriale. Le français est la principale langue qu’ils utilisent pour la liturgie et les chants, mais certains chants sont aussi en aussi en kirundi qui est une des langues parlées par une bonne partie de l’assemblée. La passion pour la mission de la Rectrice de All Saints’, Rev. Sunny qui est aussi en charge de la mission de Mons m’a beaucoup touchée. Elle a prêché, en français, un sermon très authentique qui encourageait les fidèles dans leur exil à continuer à soutenir ceux restés au pays, ce qu’ils font présentement en participant au financement d’une ferme au Burundi.
Je suis toujours admiratif des personnes qui, comme la Rev. Sunny, se donnent pleinement pour servir leurs frères et soeurs et qui osent s’exposés de manière vulnérable et authentique, en prêchant dans une langue qui n’est pas leur langue maternelle. Après le service, les membres de l’église partagent en général un repas et c’était pour moi l’occasion de discuter un peu avec eux et de les encourager dans leur mission (et d’être surtout encouragés par eux!) en leur partageant aussi les salutations de l’Église française de New York : la seule autre église placée (en français!) sous le patronage du St. Esprit et aussi fondée par des réfugiés il y a bientôt 400 ans. Le témoignage de la petite église de St. Esprit de Mons, est, dans les difficultés un encouragement pour nous tous.
Après ce petit détour vers la Belgique, je suis allé à Clermont-Ferrand pour la Convention qui portait sur le thème de l’accueil des réfugiés par nos églises. Une fois de plus ce qui en est ressorti pour moi est la vocation missionnaire de l’Eglise, qui existe, comme le disait William Temple, principalement pour le bénéfice de ceux qui lui sont extérieur. Sans cela, l’Eglise risque de devenir un club social, et ceci est un danger particulièrement réel pour des églises fondées par des expatriés qui pourraient rechercher dans l’Eglise un espace d’entre-soi. Je crois que l’Eglise peut être à la fois un espace accueillant où chacun peut se sentir valorisé pour ce qu’il ou elle est (et cela commence par valoriser leur culture, leur langues et parfois même leur religion si elle n’est pas la même que la nôtre !) sans pour autant avoir une conception exclusiviste ou exceptionaliste de cette culture. Dans la tradition anglicane, Anglais et la culture britannique ou américaine ont du fait de la colonisation et de l’expansionnisme américain été considérés comme les vecteurs de la sacralité. L’histoire des églises anglicanes au XXe siècle a été celle d’une lutte pour l’appropriation, l’inculturation de cet héritage anglo-saxon dans des cultures différentes, donnant souvent naissance à des communautés multilingues et multiculturelles, véritables reflets de ce qu’est l’Eglise de Dieu. Tel est le cas par exemple de l’Eglise anglicane de Maurice où l’Anglais, le français et le créole sont utilisés dans les services.
Le commandement du Christ ressuscité à cet égard est clair lorsqu’il s’adresse à ses disciples qui sont tous juifs en disants : “Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.” (Matthieu 28:19-20). Pour nous cela veut dire je crois que nous ne devons pas nous regarder d’abord nous-mêmes quand nous voulons suivre le Christ, nous devons regarder aux besoins de ceux qui nous entourent où nous nous trouvons présentement. Nous ne pouvons pas nous réfugier dans l’idée que nous ne sommes là que pour un certain type de personnes, qui parlent notre langue maternelle et partagent notre culture. Si nous prenons au sérieux les paroles du Christ, l’Eglise ne peut pas être un club culturel. Nous devons être prêts à sacrifier même nos cultures humaines pour étendre le Règne de Dieu, pour annoncer la bonne nouvelle à ceux qui sont loin et à ceux qui sont proches.
A la Convention j’ai aussi eu le plaisir de rencontrer (enfin!) en personne des représentants de la délégation géorgienne. Depuis quelques années maintenant la Mission St. Nino offre à Tbilissi en Géorgie des services en anglais et en géorgien. Elle attire des familles anglophones qui vivent en Géorgie mais aussi beaucoup de Géorgiens qui trouvent dans l’Eglise épiscopale une église ouverte et traditionnelle, d’ailleurs présentement la seule église en Géorgie qui accepte et accueille pleinement les personnes LGBT. Thoma Lipartiani qui est le leader laïc de cette communauté.
A la Convention, Thoma a présenté une motion pour que Ilia Chavchavadze soit reconnu comme saint par l’Eglise épiscopale à la prochaine Convention générale.
La Convention s’est conclue le dimanche par un service à la petite église épiscopale Christ Church de Clermont Ferrand. C’était un plaisir d’y rencontrer des membres de cette congrégation qui rassemble des Américains (souvent venus travailler à Clermont-Ferrand au siège de l’entreprise Michelin), des anglais, ainsi que des Auvergnats et des personnes d’autres coin du monde, dont des réfugiés, qui ont tous trouvé dans cette communauté un foyer. La petite communauté s’est beaucoup donnée pour préparer la venu de la Convention malgré l’absence de prêtre en charge en ce moment. Leur accueil était remarquable et m’a donné envie de revenir à Clermont-Ferrand dès que possible !